Réflexions matinales [libre]

Il y a de ces matins où l’envie d’avancer vous manque cruellement. Pour parer à ce désir irrésistible de rester sous ses couvertures dans l’espoir de fuir les regards méfiants et accusateurs, Willow avait trouvé une solution plus ou moins efficace : ne pas dormir. Rien de telle qu’une nuit blanche pour avoir enfin la sensation d’avoir une forme d’emprise sur le temps et sur soi-même ! « Si nous ne dormons pas c’est pour guetter l’aurore qui prouvera qu’enfin nous vivons au présent » disait le poème. Ces longues heures de réflexion nocturnes pouvaient aussi enfanter une forme d’introspection qui se révélait fort enrichissante lorsque l’esprit torturé acceptait enfin de livrer ses craintes silencieuses aux ombres glissant lentement sur les rideaux du lit à baldaquin. Les peurs secrètes et enfouies prenaient enfin une forme concrète et entamaient alors un balai lugubre qui faisait s’accélérer les pulsations d’un cœur brisé.

L’aurore, Willow l’avait guetté toute la nuit. Ainsi, lorsqu’une pâle lumière blanchâtre éclara enfin le dortoir des filles de Serpentard, les ombres sinistres disparurent, regagnant le cœur fatigué de leur auteur. Cette dernière observait la pièce dans la lueur du jour, recroquevillée dans un coin de son lit, comme si son existence insignifiante qu’elle jugeait imméritée ne lui permettait d’occuper qu’une place infime en ce monde.
La semi-obscurité ambiante laissait entrevoir des silhouettes endormies aux souffles réguliers. Dans une heure à peine, ces jeunes filles quitteraient les bras de Morphée pour aller prendre un copieux petit déjeuner avant d’entamer une nouvelle journée de cours. Mais avant cela, Willow disposait de soixante minutes de solitude pour errer dans le château encore désert et silencieux. C’est pourquoi la jeune fille s’empressa de quitter ses couvertures pour revêtir son uniforme scolaire le plus silencieusement possible et de prendre son sac de cours pour quitter hâtivement sa salle commune.

Ce n’est qu’une fois qu’elle fut dans le couloir que l’adolescente s’autorisa enfin à ralentir son allure. Chaque matin, elle fuyait ses camarades de la même façon et elle avait une bonne raison pour cela. Chez les Serpentard, certaines idées perduraient notamment concernant la pureté du sang et si Willow s’était efforcée jusque là d’être une élève modèle dans cette maison, elle se refusait toujours à trahir ses propres idéaux pour se fondre dans la masse. Se montrer arrogante et détestable envers ses camarades était une chose, tenir ouvertement des discours anti-enfant de moldus en était une autre ! Si la jeune fille considérait son comportement envers les autres comme un simple « jeu » destiné à cacher sa véritable nature à la fois pour ne pas décevoir mais aussi pour se protéger – la timidité maladive et le manque de confiance en soi entraînant parfois une attitude un peu hautaine – elle méprisait ces vieilles familles de sorcier qui continuaient d’attendre celui qui créerait enfin une race de sorciers au sang pur !

C’est animé par ce genre de pensées que la jeune Dolohov atteint bientôt le parc du château qui, à première vue, semblait désert ce qui n’était pas pour lui déplaire. Alors qu’elle regagnait l’arbre au pied duquel elle avait l’habitude de s’asseoir à cette heure matinale, elle songea l’absence d’élèves lui éviterait d’avoir à feindre une fois de plus une méchanceté qui lui allait bien mal.

*Les gens n’imaginent pas le mal qu’ils font… A trop vouloir se protéger de quelque chose qui n’existe pas, ils créent leur pire cauchemar…*

En effet, se sentant rejetée par la société, Willow, plus fragile qu’il n’y paraît, pourrait tout aussi bien se laisser tenter par le chemin emprunté par son père ? Poussant un profond soupir, la jeune fille sortit plume et parchemin et entreprit de griffonner le fruit de ses dernières lectures, mettant des mots sur ses inquiétudes…

« Qui sommes-nous quand nous ne sommes plus rien, une fois tous les costumes et tous les masques enlevés ? »

Emer-Leslie n'avait pour ainsi dire jamais été une lève-tôt. Chez sa mère comme chez son père, d'ailleurs, elle avait des tas de surnoms adéquats (ou pas), bizarres et pour le moins pitoyables tels que "la marmotte", "mon ours polaire" (jusqu'à ses onze ans, quand même, celui-là !), et tant d'autres... La jeune Owen n'avait jamais été, et ne serait probablement jamais opérationnelle avant dix heures du matin à l'école, et jamais tout court en vacances. Autant ne pas se réveiller, quand c'est pour se recoucher le soir venu. C'est ce que la jeune sorcière s'était tuée à expliquer à McGonagall lors de sa Première Année à Poudlard, alors que la vieille et radoteuse directrice l'avait convoquée pour la sermonner pendant un milliard d'années au moins - le temps pour Minerva de se faire pousser la barbe, et pour Emer de gagner quelques centimètres en taille. Tout ça parce qu'elle avait déposé un mot dans le casier de son prof d'Histoire de la Magie en lui expliquant poliment qu'elle ne pouvait pas assister à ses cours rasoirs au possible pour cause d'hibernation. C'était vrai, en plus. On était en janvier à l'époque de ce "regrettable" (ou pas) accident, et tout un chacun sait bien qu'un ours polaire ne va jamais ô grand jamais en Histoire de la Magie à cette période de l'année. Ni à aucune autre d'ailleurs, mais allez expliquer le lien entre un mètre quarante de pragmatisme chronique et une boule de poils de trois tonnes au moins à une dirigeante d'étblissement scolaire gâteuse et bornée. Enfin, bref.
Cela dit, et contrairement à ses habitudes (enfin, pas cer derniers temps, on se demande bien pourquoi), Les' s'était réveillée aux aurores, ce matin-là. Au moins, elle avait réussi à dormir, ce qui lui paraissait particulièrement dur à faire ces dernière semaines : merci, Jamie chéri, trop aimable.
Les yeux à peine ouverts, elle avait réalisé où elle se trouvait - dans un lit quatre fois plus grand qu'elle, plus rouge que rouge et aux rideaux sentant particulièrement fort le moisi. Dans le dortoir qu'elle partageait avec les filles de Quatrième Année à ce niveau, et toutes les damoiselles rouge et or au complet à plus grande échelle, de ce côté de la Salle Commune. Dans la tour de Gryffondor, donc. Pas loin du dortoir des garçons. De celui des gents damoiseaux de Quatrième Année, donc. Pas loin de James Potter non plus, par voie de conséquence.

* Non d'un petit bonhomme en mousse, trissons-nous à dos de chameau véloce avant que les autres ne quittent les bras de notre pote Morphée. Avant que Mr Moi-Moi-et-Abi n'ouvre un oeil, aussi. Surtout. * s'était-elle dit avec sagesse avant de sauter au bas de son lit, d'enfiler un jean et un tee-shirt barriolé, une paire de mitaines rayées et de descendre dans le Hall - sans être coiffée, cela va de soi.

Sans savoir à quoi elle allait occuper les heures qui la séparaient du réveil de ses camarades (Minerva seule, à cette heure plus que matinale, devait être occupée à disputer un tournoi de bridge à sa robe de chambre écossaise), Leslie décidé néanmoins d'aller faire un petit - ou grand - tour dans le Parc, au pied de son arbre fétiche. Peut être parce qu'il était majestueux, mais aussi et surtout parce que James, trois ans auparavant, l'avait baptisé "Quartier Général des Heures de Trous entre les Cours Plus Connus Sous l'Humble Patronyme de "Fun Illégal et Triplé de Volume Par Voie de Conséquence Officielle".

Mais voilà : lorsqu'elle parvint au niveau du végétal en question, une jeune fille de sa non-connaissance était déjà à son pied. Une Serpentard, en plus. Troll.
Néanmoins, par courage digne de sa Maison (plutôt par ennui mortel et envie de parler à quelqu'un d'autre que le miroir de la salle de bain, à vrai dire), Les' s'avança jusqu'à l'inconnue. Sans lui adresser la parole pour autant. Elle n'avait pas la moindre chose censée à lui communiquer, et Merlin savait qu'il ne fallait jamais noyer un étranger sous un flot de propos incohérents au possible, une spécialité chez les Owen et les Burke.

Les réactions les plus inattendues sont bien souvent réservées aux situations qui ont le don de nous effrayer. Si Willow avait pour habitude de se montrer sous son plus mauvais jour en présence des autres élèves de Poudlard pour ne pas faillir à sa réputation de Serpentard abrutie dont le seul passe-temps consiste à cracher son venin, ce n’était sans doute pas la seule raison. Elevée dans une famille au sein de laquelle le dialogue n’est pas quelque chose d’inné – et surtout pas avec les adolescents qui ne sont dignes d’intérêts que pour la fierté que procure leur hypothétique réussite scolaire – la jeune fille se connaissait à mal fou à communiquer avec autrui au point d’en être complètement paralysée. De ce fait, son rôle de sang pur hautaine et méprisante la confortait dans une solitude qu’elle jugeait rassurante puisque familière. La jeune Dolohov ne se souvenait pas avoir passé de moments pleinement joyeux dans son enfance et surtout pas en présence de personnes de son âge. Ainsi, son arrivée à Poudlard avait été un véritable choc se présentant comme le négatif de l’existence qu’elle avait menée jusque là. Et même six ans après son arrivée au château, les choses n’avaient pas connu d’améliorations notables.

C’est pourquoi Willow perdit quelques couleurs lorsqu’elle réalisa qu’elle n’était plus seule. Jamais elle n’aurait cru pouvoir rencontrer quelqu’un à cette heure si matinale ! De ce fait, elle avait prit ses aises, étalant autour d’elle plumes, encre et parchemins, s’autorisant à baisser sa garde pour être enfin elle-même, l’espace de quelques instants. Aussi, lorsqu’une jeune fille s’avança vers elle d’un pas plutôt assuré, la jeune Serpentard sentit la panique l’envahir tandis qu’elle cachait précipitamment les quelques mots griffonnés sur la feuille encore blanche – des fois que l’on comprenne que certains verts et argents avaient un cerveau, sait-on jamais !
Se glissant de nouveau dans la peau de cette fille hautaine et méprisante qui faisait tout sauf lui correspondre, la jeune Dolohov adoptait son attitude la plus froide et la plus distante pour gratifier l’inconnue d’un regard glacé.

-Il y a d’autres arbres dans le parc ! s’exclama-t-elle en maîtrisant presque parfaitement son ton qui se voulait sec et cassant. Mais tu préfères t’encombrer de la présence d’une Serpentard… Tu dois au moins être à Gryffondor pour faire preuve de tant d’audace !

L’inconnue ne portait pas son uniforme ; il était donc théoriquement impossible pour Willow de deviner sa maison d’appartenance. Néanmoins, il ne fallait pas pour autant croire qu’elle se prenait pour Merlin en tentant de deviner le caractère de qui que ce soit à travers son comportement ! A vrai dire, le fait d’être peu loquace était bien souvent compensé par un autre atout : un sens aigu de l’observation. Aussi, notre jeune sorcière ne pensait pas se tromper en affirmant que sa camarade était de Gryffondor pour la bonne et simple raison qu’elle l’avait déjà vu porter l’uniforme rouge et or ! Si elle avait eu le droit d’être elle-même, Willow aurait tout simplement dit quelque chose comme « Tu n’es pas à Gryffondor ? Je crois t’avoir déjà vu en porte les couleurs ! » ! Mais ce n’était pas ce qu’on attendait d’elle… C’est pourquoi elle préférait jouer les devins hautains et prétentieux, mademoiselle-je-me-la-crâne-et-je-te-prends-de-haut-parce-que-mon-sang-est-cent-fois-plus-pur-que-le-tien en personne ! Et puis, feindre d’avoir une confiance absolue en elle était bien plus facile que de l’être réellement !

Ainsi, Willow fixait son regard bleu et froid sur l’inconnue, sans siller, se demandant si elle allait partir et regrettant profondément d’avoir à agir de la sorte. Finalement, dans le fond, elle n’était qu’une fille en dérive qui risquait de se perdre en mer à force de tourner le dos à la lumière des phares…

- Si jamais on m'envoie à Serpentard, je jure sur la tête de Terry, de Bob, de ma mère et même sur la mienne que j'irai me noyer dans le Lac avec les carpes mutantes et le Calmar Géant. Comme ça je n'aurai pas à t'envoyer ballader - parce qu'il est clair que tu iras à Gryffondor, toi.

- Comment tu le sais ? C'est pas parce que je suis le fils d'Harry Potter que je fais aussi tout faire pour contrecarrer le règlement, très chère ! Quoique...

- C'est bien ce que je disais, c'est dans tes gênes. Dans les miens aussi, d'ailleurs. Je suis à moitié irlandaise, ça veut tout dire.

- O'Hara, May Belle !

- On va bientôt entrer dans l'arène... toi la première, veinarde ! Mais même si on me balance dans le Lac parce que je suis trop débile pour être envoyé dans une maison, je penserai à toi, quand je tiendrai compagnie à Merlin en repassant ses caleçons !

- Une rencontre inoubliable dans le Poudlard Express... et là, c'est le drame : il finit dévoré par un monstre marin et tout le monde crache sur sa tombe. Moi la première !

********

Un énième fou-rire suite à cet échange rapide, avant qu'ils ne finissent tous deux à Gryffondor, malgré leur manque de raison flagrant. Et maladif. Emer-Leslie pouvait encore voir James rouge comme l'écusson qui ornerait son uniforme, les larmes aux yeux à force de se retenir de rigoler bêtement - quelques heures à peine après leur rencontre, ils étaient déjà inséparables. Et complètement givrés par le fait. Trempés, aussi ; la seule élève assez malchanceuse pour tomber dans le Lac et faire chavirer tout l'équipage, en traversant la large étendue d'eau dans des barques plus que gravement moisies, avait été Leslie. Et James s'était lui aussi joint à l'aventure, involontairement cependant. Quoique.

C'est plongée dans ces pensées que la jeune sorcière arriva à la hauteur de sa camarade de Serpentard, et qu'elle l'écouta déblatérer des inepties plus grosses qu'elle. Les Serpentard étaient réputés pour réfléchir avec tout, sauf leurs cerveaux. Peut être à cause de leur taille infiniment réduite par des années de propagande débile, peut être juste par bêtise caractéristique ou contagieuse. Et cette fille-là ne faisait probablement pas exception à la règle. Déjà, elle avait une tête de peste. Pire que Victoire. Quoique, était-ce réellement possible ?

D'ailleurs, un léger tremblement - imperceptible pour qui n'avait pas une irlandaise de mère avec un accent tellement bizarre qu'il fallait une ouïe d'hyppogriffe pour comprendre ce qu'elle radotait - dans la voix de sa camarade indiquait qu'elle ne devait peut être pas croire tant que ça en ce qu'elle disait. Hypothèse fondée ? A suivre.

- Pas d'inquiétude à avoir de ce côté là, j'ai bien vu que les végétaux abondaient en la place. Mais on a les mêmes goûts en matière de bidules à feuilles... ce qui n'est certes pas mélioratif de ton point de vue, je n'en doute pas.

Un kilo d'inepties incohérentes au possible de plus. Si la Serpentard n'avait pas sombré dans un coma prolongé en l'écoutant, elle avait du mérite. Et valait bien la peine d'un petit affrontement passager, ou juste d'une discussion particulièrement épineuse, comme il en existait depuis des générations entre les deux Maisons.

- Bien joué, cela dit ! Je suis une Gryffondor, pas faux !

Elle prit le parti de croiser les bras sur sa poitrine, en restant debout, sans oser s'asseoir près de l'autre fille comme elle l'aurait fait tout naturellement avec James.

- Ca t'arrive souvent, de gambader dans les prés à l'aube, au sens littéral du terme ?

En attendant une éventuelle répartie de la part de sa camarade, Willow mit à profit les quelques minutes de répits dont Merlin voulut bien lui faire cadeau pour dévisager l’inconnue avec une insistance qui lui était permise puisqu’après tout, elle n’était qu’une Serpentard simple d’esprit à l’affut de tout ce qui pourrait constituer une forme plus ou moins aiguisée de moquerie ! Elle s’attarda donc longuement sur les cheveux blonds mal – pas ? – coiffés de la Gryffondor avant de porter une attention toute particulière à son Tee-shirt bariolé qui n’était pas sans donner quelques indices sur son identité. En effet, la jeune Dolohov se souvint d’avoir vu ce même visage enjoué en couverture du journal de l’école – eh oui, même les Serpentard lisent les potins du château, à leurs heures perdues, entre deux chapitres de potions !^^ Ainsi, si les déductions de Willow s’avéraient exactes, elle se trouvait face à Emer-Leslie Owen que « Poudlard’s News » présentait comme une pauvre adolescente, triste et chétive, éprise du beau et célèbre James Sirius Potter dont l’indifférence faisait se déchirer son pauvre petit cœur –snif, snif ! Pourtant, à première vue, la jeune fille n’avait rien de « pauvre » et encore moins de « triste » et on l’imaginait assez difficilement se pâmer devant le moche, boutonneux, vantard et célébrissime – c’était bien la seule chose de vraie à son sujet – fils du grand Harry Potter. Non, vraiment, elle paraissait bien trop vive et intelligente pour ce genre de sottises !

Si Willow rejetait tous les idéaux susceptibles de venir de sa famille, cela ne l’empêchait pas d’éprouver une aversion sans borne à l’égard de James Potter – quoique le terme est un peu fort, simple antipathie maladive serait plus juste^^. A chaque fois qu’elle avait le malheur de le croiser au détour d’un couloir, elle se posait cette même question : qu’est-ce que ce gamin connaissait de la vie ? Pas grand chose, à en juger par la manie qu’il avait de s’approprier les exploits de son père comme si lui-même avait mis fin au règne de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom ! N’avait-il donc pas honte de parler de la guerre sur ce ton badin qui n’était destiné qu’à attirer les regards sur lui et peut-être plus particulièrement celui d’Abigaël Delacour selon les récentes déclarations de « Poudlard’s News » ? Willow jugeait que ‘de l’autre côté de la barrière’, elle avait tout de même plus conscience que lui de la gravité de ces sombres années. Cela ne voulait pas dire qu’il fallait vivre dans le passé et passer son temps à broyer du noir en se lamentant sur les erreurs d’autrefois ! Mais au moins, respecter la mémoire de tous ceux qui aujourd’hui, ne sont plus là pour vanter leurs mérites… Peut-être que pour cela, il fallait avoir perdu quelqu’un de très proche… ?

Elle, avait perdu son père. Bien sûr, elle ne pouvait le dire devant les autres, personne ne la comprendrait ! C’était pourtant l’impression qu’elle avait… Jamais les autres ne réaliseraient le vide qu’elle ressentait, tel le gouffre qui représentait sa vie. Vit-on mieux sans son père lorsque l’on sait qu’il est mort en héro et non pas à croupir dans une cellule sous haute surveillance à Azkaban ? Elle n’aurait probablement jamais la réponse… Elle n’avait pas eu l’occasion de parler à des orphelins de la guerre… Elle s’était trouvée quelques années à Poudlard en même temps que Ted Lupin ! Mais leurs rares échanges s’étaient avérés cauchemardesques. Antonin Dolohov était l’assassin de Remus Lupin et toute la bonne volonté de sa fille ne suffirait pas à changer cela…

Emergeant de force des ses sombres pensées, Willow tenta tant bien que mal de reprendre le contrôle d’elle-même jusque dans l’expression de son visage, détournant vivement la tête pour cacher le trouble qui dominait ses yeux.

-Est-ce que j’ai l’air de « gambader » ? répondit-elle à sa camarade d’un ton qui se voulait méprisant, reprenant plume et parchemins pour continuer ses griffonnages on ne peut plus philosophiques, l’air de dire cause-toujours-tu-m-intéresse-c’est-pitoyable-de-voir-à-quel-point-cette-conversation-est-passionnante.

Le parchemin se noircissait à vue d’œil, Willow griffonnant de tout part de quelques grands gestes frénétiques, comme pour évacuer la rage et la douleur qu’elle ne voulait pas voir se retourner contre les autres… ou contre elle-même…

-Et toi, Emer-Leslie Owen ? C’est une habitude chez toi de venir gratter l’amitié auprès des Serpentard et ce dès l’aube ? Potter te manque tant que ça ?

La jeune fille avait conscience de ne pas avoir été des plus agréables dans ces dernières paroles et l’espace d’un instant, elle craint de voir sa camarade rebrousser chemin, la laissant de nouveau dans sa solitude quotidienne. Aussi releva-t-elle la tête vers la Gryffondor, après avoir griffonné une dernière phrase sur son parchemin – « I can’t stay in a world that had no wanted me » - et s’exclama, en désignant de la main une place invisible à côté d’elle :

-Tu peux t’asseoir, tu sais ! Je n’ai encore jamais mordu personne et je crois bien que ma baguette est restée dans mon dortoir !

Il y avait de cela quarante six secondes tout au plus, Emer-Leslie s'était égarée à imaginer que la Serpentard à qui elle faisait face pouvait ne ps vraiment penser toutes les vilemnies qui sortaient de sa bouche. Elle en était arrivée à supposer que la jeune fille devait en avoir vécu des vertes et des pas mûres pour être aussi désagréable. Et malgré toute sa bonne humeur légendaire (légèrement atténuée par les derniers évènements en date, certes) et une intelligence présupposée par le fait qu'elle était parvenue à arriver jusqu'en Cinquième Année d'Etudes (étonnant, non ? McGo devait avoir des classes de Première Année trop pleines pour pouvoir l'accueillir chez les nains), la jeune sorcière commençait à douter du bien-fondé de ces hypothèses. Connie l'avait élevée selon le principe suivant : ne crains pas d'aller au-devant des autres, ils n'ont jamais mordu personne, chose qui ne pouvait que s'avérer relative quand on se retrouvait face à un mètre soixante-dix au moins de Serpentardise ancrée. Willow Dolohov avait réussi à faire ce que personne, pas même la digne McGonagall (hahahaha, la robe de chambre écossaise !!) n'était parvenu à accomplir jusqu'alors : Leslie, les bras croisés et les joues plus rouges que d'ordinaire, était horriblement intimidée par sa camarade. Et ce n'était pas une affaire de look : elle-même se voyait tous les jours dans le miroir de la salle de bain, et avait fini par s'y habituer. La verte et argent dégageait beaucoup plus d'énergie qu'Emer !

La jeune Owen s'apprêtait néanmoins à répondre à son interlocutrice, lorsqu'un détail la frappa soudainement : comment Willow connaissait-elle son nom ? A sa connaissance, elle ne s'était jamais promenée dans le château entier avec son immonde patronyme inscrit sur le front, si ? Et même James n'avait pas réussi à se faire assez connaître dans l'école pour que même les Serpentard retiennent son nom de famille ET son prénom ! Comment, donc ? Emer-Leslie, elle, du haut de son mètre cinquante-cinq de tête perpétuellement dans les nuages, ne connaissait le nom d'aucun de ses camarades ou presque, et encore moins ceux des ennemis potentiels de son espace vital. Quo vadis, conséquemment ?
C'est en regardant la fille des Dolohov griffoner des trucs et des machins sur son bout de parchemin - aaaaaahhh, elle n'était donc pas seule à faire ça ? Very good indeed ! - que la fille de Connie Owen resta plongée dans des pensées atrocement philosophiques (humm) pendant quatre bons siècles. Puis elle revint brutalement à elle en constatant que sa camarade la dévisageait en tapotant le sol près d'elle. Que convetait-il de faire en ces circonstances ? L'imiter, et préparer un concours international de tapotage de sol intempestif que remporterait sans aucun doute le concierge ? Tais-toi, cerveau !
Les' ne mit qu'un temps raisonnable - tout est relatif - à comprendre la volonté de Willow, et s'assit donc à côté d'elle, toujours rouge telle la pivione moyenne et à une distance raisonnable de Celle-Qui-Devinait-Les-Patronymes-De-Ses-Petits-Camarades.

- Je sais qu'un prénom aussi laid, ça ne se voit pas partout, mais... comment connais-tu mon patronyme ?

Il avait fallu un certain temps à Emer pour qu'elle ose poser LA question du jour. Il lui en fallut encore plus pour qu'elle se décide, dans un souci de respect du concept de dialogue (tu me poses une question, j'y réponds, je ne pars pas dans Leslieland en me poilant telle la bossue et je tente un échange constructif qui nous permettra d'en finir avant que ma barbe ne pousse), à essayer de répondre à sa camarade dans un anglais à peu près correct :

- Et en fait, non, je ne me promène pas à l'aube en grattant l'amitié de mes petits camarades, surtout quand j'ai la tête dans le brouillard à ce point ! Aujourd'hui est un jour de non-fête, à vrai dire. Et je voulais éviter de voir l'être béni que tu appelles avec tant d'affection "Potter", si ça t'intéresse... ce dont je doute, et c'est bien normal.

Elle marqua un temps d'arrêt, puis reprit, sur un ton nettement plus hésitant qu'auparavant :

- Je vais encore passer pour une tarte, mais... quel est ton humble patronyme, à toi ?

Après avoir reposé sa plume, Willow prit le parti de porter de nouveau son regard clair sur sa camarade de Gryffondor. Cette dernière semblait plongée dans une sorte de léthargie, comme si cette ébauche de conversation méritait une réflexion sans borne teintée d’une philosophie accrue. En cet instant, les bras croisés sur sa poitrine, les joues légèrement rougies, Emer-Leslie n’affichait pas l’arrogance que l’on disait inée de ses camarades rouges et or – la palme revenant sans aucun doute à ce cher James Potter que rien ne semblait pouvoir ébranler ! On aurait même plutôt dit qu’elle ne se sentait pas particulièrement à l’aise en présence de la jeune Dolohov que cela laissait perplexe. En effet, elle n’avait pas la sensation de s’être montrée des plus désagréables – le peu de paroles qu’elle avait prononcé était d’ordinaire le simple échauffement qu’elle réservait aux Gryffondors !

Décontenacée, la Serpentard sentit ses traits se radoucir quelque peu face à ce mélange de candeur et de fantaisie qui ne semblait pas feint. Etait-il possible qu’un peu de franchise et d’honnêteté régente encore ce monde ? Existait-il encore des élèves qui ne se cachaient pas derrière le blason et la réputation de leur maison ou derrière des idéaux inculqués par le discours rasoir de parents déjà presque séniles ? Une chose était sûre, Willow n’avait pas la sensation d’être en présence d’une ennemie. Elle ne se sentait pas directement menacée par cette adolescente un peu rêveuse, un peu étrange, un peu… « en marge » ?

Le temps que mis Emer pour se décider à s’asseoir parut aux yeux de la Serpentard comme une éternité. Elle remarqua néanmoins que sa camarade - dont les joues n’avaient rien perdu de leur teinte pivoine - avait laissé entre elles une distance raisonnable, comme si elle la craignait et se refusait même à s’en cacher. Face à ce tableau, Willow ne put qu’afficher un sourire qu’elle espérait imperceptible puisqu’il n’avait rien de moqueur ni de méchant. Il véhiculait juste un amusement certain face à celle qui lui semblait être une gamine propulsée dans un monde d’adulte trop indimidant, trop vil…

Lorsque Leslie reprit la parole, Willow cru enfin comprendre ce qui intimidait sa camarade. En effet, elle venait de l’appeler par son prénom alors qu’elle n’était pas censée le connaître, une attitude qui pouvait paraître quelque peu déroutante. Aussi, elle s’apprêta à lui répondre, en oubliant la pseudo-animosité qu’elle était censée éprouver à l’égard de la jeune Owen.

-Les Serpentard aussi lisent le « Poudlard’s News » ! Or, je ne sais pas si tu es au courant mais tu figurais dans le dernier numéro. Tu y es présentée comme une pauvre adolescente triste et chétive complètement tombée sous le charme d’un James Potter désespéremment indifférent ! s’exclama-t-elle avant de rajouter, un sourire en coin. Tu m’excuseras si je ne pleurs pas sur ton sort ? Tu ne m’as pas l’air si désespérée que ça et si tel était le cas, tu aurais tort de l’être !

Car à en juger par les propos que Leslie elle-même tenait, le jeune Potter ne semblait pas lui manquer autant que ce que prétendait « Poudlard’s News » mais pouvait-on se fier à un journal dont la rédactrice en chef n’était autre qu’Abigaël Delacour ?^^

-Tu te trompes ! Les gens qui cherchent à éviter James Potter m’intéressent ! Car ils doivent être les derniers à avoir encore la tête sur les épaules dans cette école ! Entendons-nous bien, ce n’est pas aux Potter que j’en veux mais à leur vantard de fils ! La différence est bien plus importante que ce que l’on pourrait croire !

C’est alors que la dernière question d’Emer résonna aux oreilles de Willow, comme un signal d’alarme. Qui elle était ? L’espace de quelques secondes, elle l’avait oublié et s’était accordé des libertés alors qu’elle ne l’aurait pas dû ! Comment faire ? Le masque tombant de nouveau sur les traits de Willow, cette dernière tenta d’adopter un ton neutre – sachant qu’il aurait été malvenu de revenir subitement froide et distante, sans la moindre explication.

-Willow… Mon nom, tu n’as pas besoin de le savoir. Et de toute façon, j’imagine que tu le connaîtras bien assez tôt ! On parle beaucoup à Poudlard, beaucoup plus que l’on ne pratique la magie !

Et voilà que le succès d'un journal aussi bidon que le Poudlard's News s'avérait authentifié. Et pas par le premier quidam venu, en plus. De la part d'une fille aussi intelligente - en tout cas, en apparence - que Willow, cette révélation ne put que surprendre Emer-Leslie, à la puissance soixante mille environ. Donc, tout le monde lisait ce torchon, même sa camarade de Serpentard, même Minerva (avec James, il y avait déjà plusieurs mois, ils l'avaient vu dépasser de la poche de la robe de chambre immonde que portait McGo lorsqu'elle venait occasionnellement exiger le silence dans la Salle Commune de Gryffondor, à partir de trois ou quatre heures du matin), même le fils Potter... tous sauf elle, manifestement. Diantre. Et fichtre par le fait.
A ses yeux, il n'y avait rien de plus rasoir que de connaître par coeur la vie sentimentale de cette peste de Victoire, étalée avec un enthousiasme évident par Abigaël Delacour, cousine de la fille de Fleur et rédactrice en chef du journal de l'école. Quant à apprendre la couleur des caleçons du concierge, merci bien, elle-même était déjà au courant bien avant qui que ce fût : un sens de l'observation aiguisé et un ennui de plus en plus marqué pendant les cours lui offraient des possibilités de scoops à ne pas manquer. Néanmoins, le rapport de la description, faite à son sujet, que lui proposa son interlocutrice, provoqua chez elle une grimace éloquente. Mélange de stupeur, de dégoût, mais aussi d'amusement difficile à dissimuler - elle était moitié Owen, moitié Burke, et pas aidée par conséquent ! Wink

- Hein ? Moi, folle de James ? Est ce qu'ils se sont déjà demandé si Merlin portait la barbe ? Sérieusement ! Je veux dire, il est raide dingue des barbies en plastique siliconé de dix sept ans - les filles, pas le silicone. Tu me vois avec James Sirius Potter ? Et en plus, déprimée comme pas possible ? Je me suis maquillée une seule fois pour lui et ça l'a traumatisé à vie ! Et je suis incapable de faire la tête plus de quarante secondes, en général ! Alors franchement, me quaifier d'adolescente triste...

Sa réplique avait été longue, rapide, tordue et pas organisée pour une mornille. Peut-être Willow y décernerait-elle un léger trop-plein de véhémence, ce que Leslie aurait eu un mal fou à justifier. Car en fin de compte, si elle s'efforçait de rester convaincue de la véracité de ses propos, elle s'enfonçait dans le doute le plus total. Sans compter que l'autre allait la prendre pour une folle (nooooooooooon ! ^^), à l'entendre s'énerver toute seule.

Aussi décida-t-elle de ne surtout pas s'étendre sur le sujet (ô combien délicat) James-elle-même-Abigaël-Poudlard's News-Victoire-rumeurs-sentiments, en embrayant avec un enthousiasme hyper prononcé sur la toute dernière phrase de la jeune Serpentard. Willow, donc... elle s'appelait Willow... Un peu comme Tarzan, ou Merlin, genre sans patronyme de famille. Pas plus mal, comme option, dans le fond. Déjà parce qu'elle évitait ainsi de se retrouver, comme Les', avec deux prénoms et deux noms, ensuite parce que c'était atrocement cool, de n'être rattachée à rien.
Enfin, ces divagations ne s'estompèrent, dans l'esprit plus qu'embrumé de la jeune sorcière, que lorsqu'Emer réalisa que sa camarade avait forcément un nom de famille, ne serait-ce que pour être inscrite aux épreuves de torture (ou examens) que tous les loupiots de Minerva se fadaient à longueur de scolarité. La question s'avérait être la suivante : Willow RienDuTout avait-elle un forfait "deux syllabes", qui lui interdisait de prononcer plus que son prénom ? Ou était-elle bulgare, ou un truc du style, avec un nom tellement imprononçable qu'elle-même était incapable de le reformuler ? Ou encore, avait-elle oublié son patronyme ?

* Méga bonne idée, ça, l'amnésie... je pourrais oublier ce fichu "Emer" et m'appeler Leslie Owen... Et puis après, oublier les irlandais et reprendre le nom de Papa ! * pensa la jeune fille, aux anges et complètement à l'ouest.

- Et donc, c'est juste Willow... ? fit-elle, sans se rendre compte ne serait-ce qu'une seule seconde du changement d'humeur pourtant évident de Willow à l'évocation de son nom. Ben dans ce cas là, je suis juste Leslie, si ça ne te pose pas trop de problèmes... je veux dire, tant qu'à choisir un nom dans le forfait "deux syllabes" !

A en juger par l’expression de la jeune Gryffondor, cette dernière ne s’attendait pas à ce quelqu’un comme Willow se plonge comme beaucoup d’autres dans la lecture d’un tissus d’inepties ! Quoique « plonger » n’était pas réellement le mot ! « Survoler » aurait été plus exact. Cette pensée arracha un sourire en coin à la Serpentard qui se plaisait à créer la surprise partout où elle se rendait. Il était affolant de voir à quel point l’Humanité pouvait se nourrir de stéréotypes. Une élève aussi froide, distante, arrogante et désagréable ne pouvait pas lire le désespérément désespérant et le pitoyablement pitoyable, naturellement ! Non ! Elle se devait de rester enfermer dans les cachots pour réviser ses examens de potions et radoter de vieux discous poussiéreux sur la pureté du sang !

Seulement voilà, Willow se complaisait dans son rôle de fausse « rebelle », en marge de ses petits camarades et c’était probablement cette forme d’arrogance et de suffisance qui lui avait ouvert les portes de la maison Serpentard, bien plus qu’une quelconque envie de faire perdurer le nom des Dolohov à qui elle vouait tant de haine ! La jeune fille ne s’était donc jamais présentée comme une pauvre adolescente enchaînée par l’illustre famille au sang pur à laquelle elle appartenait bien malgré elle ! On lui avait farcie la tête de discours moyennageux, certes, mais elle avait tout autant été choyée, gâtée, aimée et ce malgré le fait qu’elle se refusait à cet amour filial. Elle avait prit le bon et rejeté de manière systématique le mauvais, elle avait tiré le maximum de ce que sa famille avait pu lui apporter, elle les avait manipulé bien autant qu’eux avaient tenté de le faire avec elle car chez les Dolohov, après des années de vices et de parjures, il était inconcevable de fonctionner d’une quelque autre manière ! Aussi, l’ange Willow n’avait rien d’immaculé pour s’être brûlé le bout des ailes plus d’une fois, laissant quelques plumes noircies qui n’inspirait la confiance de personne.

La jeune Serpentard se refusait donc à être ce que l’on atendait d’elle et n’avait donc aucun scrupules à lire le « Poudlard’s News » si elle en avait envie, persuadée de toute façon qu’elle finira par être citée entre ses lignes comme un danger potenciel pour le monde des sorciers de par la pureté de son sang et le passé de sa famille ! Si un jour on venait la chercher pour l’enfermer à Azkaban à titre préventif, autant qu’elle en soit la première informée, non ?!^^

Après une grimace étrange et difficile à analyser, Leslie finit par reprendre ses esprits pour réagir face aux propos d’une Willow de plus en plus amusée par la situation. Sa camarade semblait décidemment sortir de ce lot d’adolescents boutonneux et débiles sans aucun intérêt pour faire preuve d’une énergie débordante. La jeune Dolohov n’était pas réputée pour sa finesse et encore moins pour l’attention qu’elle pouvait de temps en temps porter aux autres mais il semblait évident que James Sirius Potter représentait à lui tout seul le sujet le plus délicat à aborder avec la Gryffondor dont les propos étaient en total désaccord avec le ton de sa voix !^^

En la voyant parler à une allure vertigineuse et embrayer aussitôt sur son prénom, passant du coq à l’âne sans plus de cérémonie, Willow se retint à grand peine d’éclater de rire. Et pour une fois, cela n’aurait pas été un signe de moquerie de sa part mais d’amusement profond.

-Eh bien, « juste Leslie » ! s’exclama la Serpentard avec un sourire amusé. Tu n’es peut-être pas « triste » mais au moins frustrée, je me trompe ? Tu ne devrais pas accorder tant d’importance à Potter ! Ça va lui passer ! Quand il sera moins persuadé que le monde tourne autour de lui, ça ira beaucoup mieux ! Surtout quand les gens cesseront de l’idôlatrer pour des exploits dont il n’est pas l’auteur !

Marquant une courte pause, Willow réalisa que si sa camarade avait mis autant de cœur à évoquer son désir d’opter pour « un forfait deux syllabes » concernant son prénom, c’était probablement parce qu’elle ne souhaitait pas parler plus longtemps de Potter, aussi la Serpentard décida-t-elle de lui tendre une perche, au cas où elle souhaiterait changer de sujet.

-La saison de Quidditch va reprendre ! Tu comptes postuler pour intégrer l’équipe de Gryffondor ?

*Merlin ! Que de bannalités ! ça ne te ressemble pas, Willow Dolohov !!*

Ce que James et Leslie avaient toujours méprisé chez des filles comme Victoire, c'était en grande partie leur capacité à parler de sentiments de manière atrocement larmoyante et superficielle, et ce pendant des siècles. Au club des Je-m'invente-des-histoires-à-trois-mornilles-bourrées-de-fausses-sensations-pour-impressionner-mes-soit-disant-copines-encore-plus-débiles-que-moi s'ajoutaient donc - et avec entrain !- Johanna Parker, Abigaël Delacour (même si selon Leslie, plus le temps passait, moins elle avait l'air cruche et peste) mais aussi Connie Owen, mère de notre sympathique héroïne, qui vouait en ce sens un culte sans pareil à Victoire Weasley. Comment pouvait-elle l'admirer à ce point, voilà un mystère qu'Emer n'était pas prête de résoudre. D'ailleurs, elle s'était souvent dit qu'à la rigueur, entre sa propre mère et celle de Vic', elle préférait presque Fleur - au moins, elle parlait tellement mal anglais que nul ne pouvait prétendre devoir obéir à ses ordres ridicules d'adulte, pour la bonne et simple raison qu'il était en général absolument impossible de comprendre un seul tiers de ses phrases. Et pourtant, lorsqu'elle avait proposé à Connie de l'échanger contre Victoire, cette dernière n'avait réussi qu'à lui adresser un "Tss-tss-tsssss..." méprisant, spécialité des grandes personnes de notre époque pour faire comprendre à leurs rejetons à quel point ils sont inutiles et stupides. Pas d'adoption en vue, donc.
Enfin, bref. Toujours était-il que malgré son aversion pour l'étalage de sentiments "à la Victoire", comme le disait si bien James à une autre époque, Emer-Leslie constata, à sa plus grande horreur, qu'elle entrait elle aussi dans ce jeu machiavélique. Enfer et Damnation. Si jamais Willow la prenait pour une adepte de la tristement célèbre secte des Moi-Moi-Moi créée par Victoire en personne, il ne fallait pas s'en étonner. Loin de là.

- Enfin, je... commença-t-elle, avant de laisser sa voix se perdre dans les méandres pitoyables de sa gêné sidérale face à son aînée, pour écouter sa dernière question, qui grâce à Merlin ne portait pas sur James Sirius Potter.

Comme quoi, la délicatesse féminine devait être présente en ce monde : sa camarade avait au moins eu la délicatesse de ne pas la matraquer avec ses propres propos horriblement équivoques. Ouf ! ^^
Cela dit, nulle interrogation n'eût pu être plus obscure que celle que lui adressa sa camarade ; non pas que Les' fut dure de la comprenette (quoique ^^), mais si la plupart des êtres humains avaient pour faculté de trouver des répliques rapides, il fallait au moins le temps d'une vie à Emer pour y réfléchir. Car après tout , voulait-elle réellement intégrer l'équipe de Quidditch des rouge et or ? Certes, jusqu'à l'année dernière, elle n'aurait pu rêver mieux. Elle avait passé des journées entières, pendant les premières années de ses études à Poudlard, à regarder les joueurs évoluer gracieusement sur leurs balais, de manière tellement naturelle qu'elle en restait scotchée, à chaque fois. Et jusqu'à sa Quatrième Année, celle-là même qu'elle était en train de vivre à regrets, elle avait voulu de tout son coeur être sélectionnée et intégrer l'équipe comme Poursuiveuse. Mais voilà, même si elle se refusait à l'admettre, tout ce qu'elle aimait, souhaitait, appréciait, enviait, se rapportait inévitablement à...

- James et moi, on voulait intégrer l'équipe... on s'était promis de se présenter ensemble, l'année dernière, avant qu'il parte du côté obscur de la force Victorienne, si tu vois ce que je veux dire... enfin, probablement pas, tu n'as pas l'"honneur" de connaître cette peste, et grand bien te fasse !

Merlin, et voilà qu'elle s'y remettait. Dans ces moments là, son voeu le plus chr se résumait à une baguette pointée sur elle, un "Oubliettes" bien placé, et à une vie heureuse quoique parfaitement inutile chez les barjots à Ste Mangouste.

- Excuse moi, donc je disais... oui, j'aimerais bien, si j'arrive à faire trois mètres en volant sans me prendre les poteaux des buts... ce qui n'est pas aussi improbable que ça en a l'air, crois moi ! fit-elle, en se ressasissant un tant soit peu. Et toi, tu comptes jouer chez les Serpentard ?

Le Quidditch ! Le sport par excellence ! Le sujet qui alimentait toutes les conversations et plus particulièrement celles d’adolescents rebelles dont le désir d’escapades reprenait le dessus entre deux cours ou au moindre rayon de soleil, se révélant de plus en plus pressant à l’approche des examens. Le Quidditch... Jamais une activité n’avait autant rassemblé et divisé en même temps ! De quoi réconcilier sans purs et nés moldus le temps d’un match, d’une prouesse, d’une figure acrobatique, d’un but ou d’un cognard bien envoyé ! De quoi les diviser lors de la course folle pour la coupe des quatre maisons, Gryffondor contre Serpentard ou encore Serdaigle contre Poufsouffle… Le Quidditch… Le sujet bateau que vous pouviez aborder sans crainte en étant sûr que votre interlocuteur émettrait un avis, qu’il soit divergeant ou non du vôtre…

Après avoir orienté – assez brillament, il faut le dire, vantardise et serpentardise obligent ! Razz

– la conversation vers ce qui lui semblait être des eaux moins dangereuses, Willow se dit que ce crétin de Potter connaîtrait enfin – façon de parler, bien entendu, puisqu’il n’était pas là^^ - un sujet dont il ne serait pas le centre ! Après tout, on ne parlait que de lui, dans le Poudlard’s News, dans les couloirs et même dans la salle commune des Serpentard qui le considéraient comme l’ennemi public n°1, il était temps que cela cesse ! Mais la jeune Dolohov n’était décidemment pas au bout de ses peines ! En effet, après être passée par toutes les expressions possibles et imaginables, Emer-Leslie revint à évoquer celui que l’on disait être son ex meilleur ami, comme si c’était inévitable.

Ne pouvant contenir un profond soupir, Willow prêta néanmoins attention au discours de sa camarade qui semblait juger que Victoire Weasley était responsable de brusque changement de comportement de Môssieur Potter. La jeune Dolohov ne connaissait que très peu la fille de Fleur. Elles étaient toutes deux en septième année, la liste exhaustive de leurs affinités prenait fin là. Pour le reste, elle savait de la rousse qu’elle n’avait pas pour habitude de sous-estimer ses capacités – intellectuelles et physiques – et qu’elle prenait un malin plaisir à adresser des regards méprisains à celles et ceux qui n’appartenait pas à son monde de poupées de collection. A vrai dire, Willow ne s’en souciait guère. Elle n’avait rien à voir avec cette fille-là et tant que cette dernière n’essayait pas de régenter sa vie, elle ne lui chercherait pas de noises.

-Non, en effet, on ne peut pas dire que je connaisse personnellement Victoire Weasley ! Il faut dire que je ne suis pas vraiment le genre de personnes qu’elle tient à avoir dans son entourage ! Et pour tout te dire, je m’en contrefiche ! Elle peut faire ce qu’elle veut avec qui elle veut, c’est le cadet de mes soucis ! Mais tu vois, tout le monde dit que James et elle sont en mauvais terme mais ça ne me surprend pas ! Ils sont trop centrés sur eux-mêmes, l’un comme l’autre ! Et pour la « poupée barbie en plastique siliconé », c’est pareil ! Autant d’égo dans une seule relation, comment est-ce possible ?

Cette dernière interrogation avec été formulée avec une grimace de dégoût non dissimulée.^^ Willow n’avait aucun affection pour « ces gens » et ne s’en cachait pas ! Après tout, elle méritait tout de même sa place à Serpentard !^^

-En tout cas, je pense que tu devrais mettre Potter aux oubliettes quelques temps et tout faire pour intégrer l’équipe de Gryffondor ! Après tout, tu n’as pas besoin de lui pour t’entraîner, tu n’as qu’à trouver quelqu’un d’autre ! Et puis à force d’exercice, tu finiras par y arriver, j’en suis sûre !

Miracle à Poudlard Land ! Willow venait d’avoir une remarque positive ! Il fallait qu’elle surveille ! Dans le cas contraire, elle aura tôt fait de rejoindre sans même s’en rendre compte le club des Victoire et compagnie qui positivait sur tout, même sur leur bêtise qui n’était pourtant plus à prouver !
Lorsque Leslie lui retourna sa propre question, la jeune Dolohov ne put retenir un éclat de rire.

-Jouer, je suis partante ! Mais chez les Serpentard… Là est tout le problème ! Je refuse catégoriquement de faire équipe avec ce crétin de Malefoy qui passe plus de temps à vanter les mérites du nouveau balai dernier cri offet par son père qu’à s’entraîner pour remporter la coupe ! Non, vraiment, si l’on venait à jouer ensemble, le résultat serait catastrophique : quelques cognards pourraient être détournés par mégarde et pas forcément sur l’équipe adverse si tu vois ce que j’veux dire !

Décidément, les apparences étaeient tompeuses. Alors qu'au premier abord, Leslie avait eu la certitude de se trouver face à un mur, ou plus exactement à un distributeur gratuit de remarques acerbes et aiguisées, elle se trouvait à présent prise dans un débat philosophique de forte ampleur qui se trouvait centré sur des sujets qui, malgré ce qu'elle laissait voir, lui tenaient particulièrement à coeur (dans le bon ou le mauvais sens du terme selon les cas) : Victoire - sans commentaire -, le Quidditch - très sincèrement, elle adorait ce sport, pour une fois sans ironie marquée -, et James - il lui tenait à coeur, ça, c'était bien le mot. Et sa camarade de Serpentard semblait inspirée par ce fatras de naïveté, de n'importe quoi et d'illusions juvéniles ; la vert et argent ne se lassait plus de parler à Emer, et plus étonnant encore, de lui prodiguer des conseils ! Malgré la surprise que provoqua chez elle cette dernière constatation, la jeune Owen ne s'en plaignait pas, bien au contraire ! Elle était rassurée, heureuse même que Willow ne l'ait pas balancée dans le lac avec six volumes du Guide Pratique de la Métamorphose attachés aux pieds ! Mais ce qui semblait être de la compassion, du respect, voire même de la sympathie (de la part d'une Serpentard ?!?), avait de quoi la transformer en gobe-mouches (mode d'emploi : restez la bouche ouverte pendant un bon demi-siècle sous l'effet de la surprise, de la peur, ou de la dernière jupe microscopique de Victoire Weasley : effet garanti !).
Puisque noyée (nb : même plus "plongée", à ce stade !) dans de telles réflexions à tenant incroyablement philosophique, Emer-Leslie n'écouta que d'une oreille (et pas de la plus efficace, à son grand dam) le long discours de Willow - mais en retint cependant les idées principales : oublier James, faire du Quidditch, et dire "troll" à Victoire et ses petites manies tellement, mais alors tellement, horripilantes et atrocement inutiles (cette résolution n'était absolument pas gagnée... ^^).
Attendez une minute... "oublier", genre comme "oublier" ? Sortir James de sa mémoire, par exemple ? Le réduire au stade de virus à expulser fissa de son cerveau déjà plein d'inepties ? Hum... ça non plus, ce ne serait pas une mince affaire... (quelle littote ! De toute beauté, vraiment ! Razz

).
Quant à jouer au Quidditch, eh bien... ce n'était pas un manque de volonté, mais Les' avait bel et bien "égaré" (mieux que perdu, ce terme-là, plus positif !) son entraîneur potentiel par le truchement de l'inadvertance, et se trouvait bien embêtée.

- Pas gagné non plus le Quidditch ! s'entendit-elle penser - quoique "s'entendre" et "penser" ne collant pas exactement ensemble, Emer dut se rendre à l'évidence : elle avait exprimé cette dernière réflexion, de toute première débilité, à voix haute. Merlin !!

Vite, vite, passer à un sujet annexe pour ne surtout pas laisser le temps à Willow de contacter les gentils monsieurs en blouse blanche ^^ de Ste Mangouste.

- Ah, oui, et euh... donc... en fait, tu... hmpfpj.

* Merci. Vraiment, merci. Et l'option "parole humaine", c'était trop cher, à ma naissance, Maman ? * pensa la jeune Owen, au bord du plongeon définitif dans le Lac.

- On la refait, d'accord ? Donc, tu voudrais jouer, mais pas chez les Serpentard ? Tu m'étonnes ! Ils sont vils et bornés, fichtre ! Enfin, tous sauf toi, je crois. Bref, ça te dirait de m'aider à... à tenir sur un balai plus de quatre secondes et douze centièmes ? C'est mon record, et le pire dans tout ça, c'est que c'est la pure et triste vérité !

Littéralement emportée dans son élan de réflexions on ne peut plus philosophiques à propos de cette peste de Victoire Weasley à qui elle aurait bien volontiers jeté un maléfice de chauve-furie pour le peu qu’elle eut été en possession d’un motif valable – voir l’air horrifié de sa camarade défiguré ne serait probablement pas un argument suffisant aux yeux de la vieille McGonagall qui connaissait bien la famille qui est plus est ! – Willow en avait totalement oublié l’insigne vert et argent qui étincelait sur son uniforme et la ramenait au rang de Serpentard arriérée. C’est en remarquant l’air perplexe qu’abordait sa camarade – un mélange de Bob l’éponge et de Némo le poisson (et voui, la Serpentard anormale avait même des connaissances concernant le monde des moldus !^^) – que la jeune fille réalisa qu’elle venait de se trahir, sans même sans rendre compte ! En temps normal, elle aurait troqué au plus vite son sourire contre un regard froid et un visage fermé mais le mal – et si c’était le bien, finalement ? - était fait et il était trop tard pour revenir en arrière ! Emer-Leslie semblait suffisament interloquée ! Si Willow prenait dès à présent le parti de lui lancer quelques remarques désagréables avant de regagner le château en grande enjambés, il y avait de fortes chances pour qu’on retrouve le corps de la Gryffondor le lendemain, cette dernière ayant tenté un saut du haut de la tour d’Astronomie, se croyant dans un rêve particulièrement débile !^^

Non vraiment, il était trop tard pour tenter quoi que ce soit. Mais curieusement, la jeune Serpentard ne s’en voulait pas plus que cela, réalisant que cela lui plaisait d’être enfin elle-même sans plus accorder la moindre attention à son nom ni au monde auquel elle était censée apartenir. Leslie avait raison, elle avait adopté un « forfait deux syllables », elle était « juste Willow » parce que de toute évidence, c’était ce qu’elle était de mieux, ou du moins ce qu’elle savait le mieux faire. Elle n’était ni ange ni démon, elle n’était qu’une adolescente comme toutes les autres, remontée contre la Terre entière et fière de l’être, prête à en assumer toutes les conséquences !^^ Scorpius et les autres étaient bien loin d’ici, personne ne la savait en compagnie d’une Gryffondor, personne ne pouvait l’accuser de trahison ou encore lui jeter un sort par derrière alors pourquoi ne pas en profiter pour une fois ?

A en juger par l’expression qu’affichait, Leslie, cette dernière n’avait rien écouté du monologue sans fin de Willow, plutôt surprise de voir que oui, les Serpentard étaient bel et bien doté d’une langue qu’ils savaient faire fonctionner pour dire autres choses que des inepties, voir même donner des conseils ! Au bout d’un laps de temps que la jeune Dolohov jugea considérable, sa camarade reprit la parole pour laisser échapper une phrase qui ne semblait pas lui être adressée. Après s’être lancée dans une imitation parfaite de Bob le poisson rouge, voilà que la Gryffondor pensait à voix haute ! Merlin, rien ne semblait normal en ce samedi matin ! Peut-être que c’était à Willow de se jeter du haut de la tour d’Astronomie pour se réveiller de ce rêve complètement uluberlu !^^ Décidant de ne pas relever ce petit « incident de parcours », la Serpentard laissa à son interlocutrice le loisir de se rattraper – exploit venant de sa part ! Mais cette dernière ne saisit pas cette perche invisible puisqu’elle s’enfonça assez lamentablement en s’exprimant dans une langue inconnue de Willow – cela pouvait être de tout sauf de l’anglais^^.

Retenant un sourire mi-moqueur – on ne se change pas Razz

– mi amusé, la jeune Dolohov attendit que Leslie lui adresse des propos cohérents et compréhensibles pour lui répondre.

-Si je peux t’aider à quelque chose, oui, pourquoi pas ? Au moins, ça me permettra de jouer avec quelqu’un dont le QI dépasse très largement celui de ce crétin de Malefoy ! Après, à toi de savoir si être vue en compagnie d’une Serpentard réputée pour ses remarques acerbes et son regard méprisant te gêne ou pas ! Si tu n’as pas peur de faire la une de prochain torchon d’Abigaël Delacour, alors on peut tenter de te faire sélectionner dans l’équipe des Gryffondors !

Et, chose qui n’était pas arrivée de mémoire d’Hommes Razz

, Willow esquissa un sourire complice à l’attention de sa camarade, marque d’amusement, de respect et… - si, si, juré !^^ - de sympathie…^^

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